
À quoi ressemblera l’Iran de l’après COVID-19 ?
Il y a quelque temps, ce blog a silencieusement fêté ses 1 an. Un anniversaire plutôt timide étant donné les circonstances : depuis la fin du mois de février 2020, l’Iran est plongé – à l’instar du monde en entier – dans cette crise surréaliste du COVID-19.
Pour une fois, semble-t-il, les Iranien.ne.s ne sont pas seul.e.s dans leur malheur, rares étant les pays à être épargnés par cette pandémie. La question reste de savoir comment et quand l’Iran s’en relèvera-t-il. Car ce que les sanctions américaines n’avaient pas détruit quelques mois plus tôt, le virus est en train de s’en charger.
La vie sous le régime du coronavirus
En Iran, l’épidémie est arrivée avec quelques semaines d’avance sur l’Europe, pour vite devenir un épicentre régional. Les conséquences ont été directes et très visibles : pour nous qui travaillons dans le tourisme, il s’est agi de l’annulation de centaines de réservations. Très vite, tous les pays voisins ont fermé leurs frontières avec l’Iran et les vols internationaux ont été suspendus, avec cette impression que nous nous faisions mettre en quarantaine.
Les dernières semaines de février ont été un parcours de combattant pour les touristes et expatrié.e.s cherchant à quitter l’Iran. L’une de mes amies, ayant vu son vol annulé deux fois de suite à la dernière minute, s’est décidée à prendre un chauffeur pour traverser la frontière azerbaïdjanaise. Le lendemain de son passage, l’Azerbaïdjan annonçait la fermeture de ses frontières.
Les quelques rares touristes qui n’avaient pas pris peur suite aux événements de début d’années ont parfois dû faire appel à leurs ambassades pour mettre fin à leur voyage. Et c’est comme cela, qu’en l’espace de quelques semaines, tous ceux qui le pouvaient avaient quitté le pays !

Le confinement à l’épreuve de Nowruz
Au même moment, les écoles et universités ont fermé leurs portes, mais l’ordre de rester à la maison à tardé. Le gouvernement a eu beau offrir l’abonnement internet aux foyers iraniens, pour inciter à travailler à distance, de nombreuses familles dépendent d’un travail qui ne se passe pas derrière un ordinateur.
Difficile d’imposer une quarantaine stricte à ses citoyens, à coup de sanctions financières, lorsque l’on ne peut pas financer de chômage partiel ou d’aides aux entreprises. Ici, l’équation est hélas simple : il y a du travail où il n’y en a pas. C’est valable pour ceux qui vendent leurs fruits sur les marchés comme pour ceux qui font tourner leurs start-ups.
Il aura fallu attendre mi-mars, pour que l’ordre soit donné : خانه بمونیم , restons à la maison. Problème : chaque année, à cette même période, des milliers d’Iranien.ne.s se déplacent pour fêter Nowruz, le nouvel an iranien.
De manière assez prévisible, de nombreuses personnes ont alors pris la route pour se rendre dans leur famille. Malgré tout, de nombreux.ses autres ont fait cette année une croix sur les célébrations, restant chez eux, pour cette fête qui est pourtant la plus importante en Iran.
Après une année 1398 particulièrement difficile, la nouvelle année s’ouvrait, elle aussi, sur un air bien augure.

Un retour trop rapide à la vie normale
Pendant tout de même un mois, le pays a tourné au ralenti, la plupart ayant finit par respecter le confinement. Les rues se sont vidées, ramadan et arrivée de l’été aidant. Et puis, avec la fin du mois de jeûne fin avril, le gouvernement a annoncé la réouverture de la plupart des commerces. La vie pouvait reprendre !
Beaucoup d’entre nous sont tout de même restés en télétravail partiel. L’habitude du port du masque a mis du temps à rentrer, mais moins, semble-t-il, que dans certains pays comme la France. Après tout, porter un masque lorsque l’on est très légèrement malade était déjà chose courante en Iran (ce que je trouvais curieux, en bonne Française que je suis…). Sans parler de la pollution, qui m’avait moi aussi conduit à prendre cette habitude en hiver.
Si les ressources ont manqué dans les hôpitaux au début de la pandémie – notamment du fait des sanctions – il n’y a pas vraiment eu de pénurie de masques et gel hydroalcooliques pour le grand public (ni de panique liée au papier toilettes par ailleurs… puisse l’aftabeh être béni !).
En Iran, l’usage des nouvelles technologies est probablement plus ancré qu’en France, et cela a aidé nombre d’entre nous pendant cette période. À commencer par le fait qu’il est possible de se faire livrer absolument tout, à domicile, le plus souvent sous quelques heures. Que ce soit en passant via de grosses compagnies ou en faisant appel au petit commerçant d’en bas de la rue. Pour se déplacer, même celles et ceux qui n’ont pas de revenus élevés peuvent prendre un VTC et éviter ainsi les transports en communs.

Combattre la crise sanitaire en plus de la crise économique
Et puis soudainement, sans que nous sachions ce qu’il était advenu de notre printemps, nous voilà donc passés de l’hiver à l’été. Au mois de mai, avec la levée des restrictions nous avons tous.tes, plus ou moins, recommencé à avoir une vie normale. J’en ai même profité pour faire mon premier road-trip dans le Nord-est de l’Iran, que j’espère vous raconter bientôt !
Mais c’était sans compter sur cette “seconde vague” dont on nous avait tant parlé. Avec la reprise progressive des activités, les contaminations sont graduellement reparties à la hausse. Et ce, pour atteindre de nouveaux pics en début juillet.
Les autorités ont plusieurs fois parlé de reprendre des mesures restrictives. La première d’entre elle concerne le port du masque, rendu obligatoire dans les lieux publics depuis le 5 juillet. À Téhéran et dans d’autres grandes villes, les grands rassemblements, tels que les mariages, sont régulièrement interdits. Les musées, cinémas, cafés, salles de sport et autres lieux de ce type sont également parfois fermé pour une courte durée de quarantaine.
Mais depuis le début de la crise, les autorités n’ont jamais pu se permettre de réimposer la fermeture des commerces dans le contexte économique actuel. Il faut garder en tête que le COVID-19 a frappé un pays dont l’économie a été ravagée, ces deux dernières années, par le retour des sanctions américaines. L’inflation n’en fini plus de grimper quand le cours du rial ne cesse lui de plonger à des niveaux tristement records. La marge de manœuvre est donc très mince.

Quand pourra-t-on de nouveau visiter l’Iran ?
Évidemment, la réponse ne dépend pas que de l’Iran lui-même. Cette pandémie risque de rester avec nous pour de longs mois (années ?) encore, et devrait durablement changer notre façon de voyager.
Actuellement, l’Iran ne délivre pas de visa de tourisme. Le ministère des Affaires Etrangères refuse toute nouvelle demande, et ce, jusqu’à nouvel ordre. Il reste pourtant des liaisons quotidiennes entre l’Iran et plusieurs pays, via des compagnies comme Iran Air et Qatar Airways, comme ce fut le cas même pendant la crise. Mais tenter d’embarquer sans e-visa est fortement déconseillé, et a de toutes façons, peu de chances d’aboutir.
Pour l’heure, il nous faut donc tous attendre et garder espoir. Il ne fait nul doute que dès les premiers signes d’améliorations, les autorités iraniennes laisseront de nouveaux les touristes entrer. Et l’Iran, avec ses vastes étendues, ses déserts et ses montagnes sauvages pourra offrir à ses visiteur.e.s un sas de décompression tout en sécurité !

