
Chabahar, porte d’entrée du Sistan et Balouchistan
Pour citer un ami iranien qui se reconnaîtra peut-être, “le Sistan et Balouchistan est un peu à l’Iran ce que l’Iran est au reste du monde. Les gens pensent que c’est un endroit dangereux et plein de terroristes, alors que, bien sûr, il n’en n’est rien“. Et c’est peu dire que la réputation de cette province est erronée.
Ne cherchez pas d’itinéraires ou de recommandations dans le Lonely Planet, puisque c’est tout simplement comme si cette région de plus de 180.000 kilomètres carrés n’existait pas. Pendant longtemps, le Sistan et Balouchistan a été perçue comme une zone dangereuse, par la proximité des frontières, propices aux trafics divers. Il y a encore peu de temps, rares étaient les Iranien·ne·s qui osaient s’y aventurer en touristes.
Fort heureusement, tout cela est en train de changer, même si la zone reste en rouge sur la carte du Quai d’Orsay (à l’exception du port de Chabahar) et que certaines personnes (mal informées) continuent de mettre en garde les visiteur·se·s contre cette région.
Tant pis pour elles·eux ! Nous garderons pour nous ces paysages magnifiques, où le désert rencontre la mer, où l’hospitalité et la gentillesse de ses habitant·e·s ne semble avoir d’égal que dans la grandeur de la culture et de l’histoire locale. Voici une destination pour voyageurs·ses sans préjugés, prêt·e·s à s’aventurer hors des sentiers battus.

Pourquoi voyager à Chabahar, Sistan et Balouchistan ?
Pour ses dunes de sables fin plongeant directement dans la mer à Darak. Pour ses extraordinaires “montagnes martiennes” qui semblent véritablement provenir d’un autre monde. Pour la culture baloutche, absolument unique et passionnante.
Pour découvrir une région qui est loin d’être envahie par les touristes (c’est un euphémisme). Et sûrement, l’une des provinces les plus authentiques et les plus surprenantes d’Iran.
Comment aller à Chabahar ?
Cela peut s’avérer un peu compliqué si l’on ne souhaite pas voyager par les airs. Le moyen le plus simple de rejoindre cette ville portuaire étant en effet de prendre un avion pour l’aéroport de Chabahar-Konarak. Ce dernier relie toutes les grandes villes du pays, mais vérifiez les dates de départ et d’arrivée un peu en amont : il n’y a qu’un ou deux vols par semaine pour certaines villes.

Il existe aussi une ligne de bus en provenance de la ville d’Iranshahr, plus au nord. Si vous venez de Bandar-Abbas et que vous souhaitez prendre les transports en commun, vous serez obligé de faire le détour par cette ville, ce qui en tout prend… 20 heures (et plus de 800 km) ! Il n’existe pas de ligne de bus sur la route côtière reliant Bandar-Abbas et Chabahar (l’état de la route l’expliquant peut-être).
Pourtant, c’est sur cette portion que se trouvent certaines des merveilles de la région, à commencer par la plage de Darak. Vous pouvez tenter l’auto-stop, mais la route est loin d’être très fréquentée. Je vous recommande plutôt de trouver un chauffeur. Vous pouvez vous adresser aux experts et guides locaux Isaac et Mobin.
Ou bien encore, vous laisser porter par votre instinct, associé à une pointe de chance et d’ingéniosité, comme ma compagne de route et moi-même ! Et avoir, par la même occasion, la plus exceptionnelle des aventures… 🙂

Comment de temps rester à Chabahar ?
Étant donné la complexité pour rejoindre la ville, je recommanderais d’y passer au minimum quatre jours. Personnellement, j’y suis restée cinq : je suis arrivée en voiture par la côte, avec l’aide de locaux et en prenant un taxi sur la fin. J’ai finalement dû attendre plus qu’escompté pour prendre mon vol retour.
Chabahar en elle-même n’est pas exceptionnelle, et ne mérite pas forcément beaucoup plus qu’une journée complète. Mais c’est un point de départ parfait pour les excursions tout autour.
Que faire et que voir à Chabahar et sur la côte du Sistan et Balouchistan ?
- La plage de Darak : si vous dîtes ce nom à des Iranien·ne·s, ces dernier·e·s risquent fort de vous regarder avec de gros yeux. Étonnamment, peu d’entre elles·eux ont entendu parler des merveilles de ce lieu, mais plus encore, en Persan, “darak” (درک) signifie “enfer” (c’est l’occasion d’apprendre une expression : “boro be darak” = “va en enfer”. Ne me remerciez pas.). Pourtant, si je devais donner une définition du paradis, il y a fort à parier que je décrirais cet endroit. Imaginez de vastes dunes de sable, striées par le vent et parsemées de palmiers… atterrissant tout droit dans l’eau turquoise du Golfe d’Oman. C’est un spectacle tout simplement incroyable.
Darak est située à 180 kilomètres à l’ouest de Chabahar, sur la route côtière venant de Bandar-Abbas. La plage se trouve au bord d’un modeste village avec une petite mosquée sunnite. Il n’existe aucunes commodités sur place, mais vous pouvez tenter de camper. Les locaux étant peu habitué·e·s à croiser des touristes leur accueil est juste extraordinaire.
- Montagnes martiennes : environ 50 kilomètres à l’est de Chabahar se trouve l’un des paysages les plus incroyables de la région. Ces montagnes vieilles de 5000 ans, avec leurs étranges rayures et leur formes déchirées, offrent un spectacle qui paraît surgit d’une autre planète, d’où leur nom de “montagnes martiennes”. Véritablement un must-see en Iran.

- Lac de Lipar : près des Montagnes martiennes (à environ 20 kilomètres à l’est de Chabahar) se trouve un lac rose, qui rappelle le fameux Lac de Maharloo, proche de Chiraz. Sa couleur incroyable serait causée par la présence massive de planctons dans le lac.
- Beris : en grimpant sur les hauteurs de cette petite ville portuaire, il est possible d’avoir une vue absolument imprenable sur le port de pêche parsemé de petites embarcations colorées et faisant face à l’immensité du Golfe d’Oman. C’est l’endroit idéal pour admirer le coucher du soleil sur la mer et observer le soleil disparaître lentement à l’horizon. Situé à 60 kilomètres de Chabahar, Berris est proche du Pakistan (à environ 40 km de la frontière) apportant avec lui un fabuleux mélange culturel.

- Bandar-e Tang : hélas, je n’ai pas eu la chance de me rendre à cet endroit, qui a l’air aussi magique que la plage de Darak. À la frontière avec le Pakistan, les dunes de sables ne plongent cette fois-ci pas dans la mer, mais entourent un lac au bleu profond.
- Tang Mud Volcano : les volcans de boue sont un phénomène géologique peu commun, et celui-ci est l’un des rares actifs en Iran. Situé à environ 100 kilomètres à l’ouest de Chahabar, cet étrange volcan semble planté au milieu d’un paysage sec et plat. Malheureusement, je n’ai pas eu la chance de voir des éruptions de boue quand je m’y suis rendue (je parle là de petites éruptions, comme de petits geyser, rassurez-vous).

- Découvrir la culture baloutche, un groupe ethnique dont une partie des membres se situe au Pakistan et dans quelques autres pays voisins. La plupart des locaux revêtent fièrement leurs magnifiques habits traditionnels – une tunique longue, de couleur unie, par-dessus un pantalon assorti pour les hommes, et des tuniques multicolores avec différents motifs et ornements pour les femmes. De nombreux arts et artisanats sont propres à la culture baloutche, depuis la musique (qui semble fortement influencée par le Pakistan et l’Inde) jusqu’à la broderie. Il ne faut pas oublier que cette région est l’un des berceaux de l’humanité, peuplée depuis plus de 10.000 ans. Y voyager aujourd’hui donne véritablement la sensation de visiter un tout autre pays que l’Iran. Les locaux parlent par ailleurs leur propre langue locale, dont voici deux mots utiles (et les seuls que j’ai retenus, oui) : Mehrabani (merci) et Menat warum (de rien).
- Chabahar : cette ville portuaire est aussi une zone franche et l’ensemble est plutôt moderne. Il ne m’a pas semblé y avoir énormément de choses à visiter, en dehors des ruines d’un modeste château portugais surplombant la baie. Les allées du bazaar sont aussi agréables à arpenter, remplies de locaux portant l’habit traditionnel baloutche, vendant des tissus colorés, des épices, de l’encens… c’est l’endroit parfait pour prendre le pouls de la ville.
- Lorsque vous êtes à Chabahar, clôturez votre journée en vous prélassant sur la terrasse de “Iran Zamin Coffee Shop”, en buvant un jus de fruits frais ou en fumant le Shimin (le nom en baloutche pour Gheyloun, ou narguilé) tout en appréciant la vue sur la baie.

- Savourez les spécialités locales et les currys épicés : la cuisine régionale est assez différente de la cuisine traditionnelle iranienne et plutôt relevée. Il se vend toute sorte de street food que l’on peut manger sur le pouce à toute heure du jour et de la nuit.
- Jomeh Bazaar : le bazaar du vendredi ne vend que de la nourriture, en grande partie des fruits et légumes. Ce n’est pas un lieu pour y acheter des souvenirs donc, mais l’atmosphère y est vraiment différente et intéressante. Situé sur un parking, l’endroit est tout sauf touristique. Vous serez repéré comme touriste à la seconde où vous y poserez un pied, les locaux se demandant sûrement pourquoi vous êtes venus vous perdre ici.

Conseils utiles pour Chabahar et le Sistan et Balouchistan
Selon moi, il est difficile de voyager seul·e de A à Z, au Sistan et Balouchistan, d’autant plus si vous ne parlez pas persan. Demandez à des guides locaux de vous aider. Cependant, si cela nous vous fait pas peur, et surtout que vous avez du temps devant vous et une tente, vous pouvez tenter l’expérience par vous-même. Les locaux sont chaleureux·ses et accueillant·e·s, et je suis certaine que c’est ici que vous créerez vos plus beaux souvenirs.
Je n’ai pas de recommandations d’hôtels, puisque ce voyage a été plutôt hors norme, mais je pense cependant qu’il existe plusieurs options correctes à Chabahar.
J’ai eu la chance de voyager au Sistan et Balouchistan avec Mina, une Iranienne dont j’ai fait la connaissance à Bandar-Abbas. Nous avions prévu de camper à Darak, mais nous avons été invité par un homme du village à séjourner avec sa famille (et semble-t-il, la moitié des enfants du village, pour qui nous étions une attraction). Cette soirée et cet accueil aussi incroyable qu’inattendu, est à ce jour, mon plus beau souvenir en Iran.
À Chabahar, nous avons rencontré Isaac, qui nous a hébergé et s’est spontanément occupé de nous faire visiter les lieux. Je leur dois, à toutes et à tous, cette extraordinaire expérience.
Les températures étant très élevées en été et pouvant atteindre les 45 degrés en juin, je vous recommande de vous y rendre en hiver.

Rendez-vous sur les îles de Qeshm et Hormuz pour découvrir les autres paysages extraordinaires de la côte du Golfe Persique.


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